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Le marché d’Arles
Justement, nos voyageurs tombèrent sur un négociant qu’ils connaissaient bien car celui-ci, originaire de Lyon, était établi depuis plusieurs années enArles, où il réceptionnait l’huile qu’il achetait à d’autres grossistes espagnols avant de la renvoyer vers le nord, via le Rhône, grâce à sa flotte de chalands. Il portait le nom de Lucius Hilarianus Cinnamus, un patronyme qui trahissait une vieille origine gauloise. Celui-ci était en train de négocier avec un esclave préposé par son maître, un négociant deSéville qui achetait aux producteurs de la basse vallée du Guadalquivir, l’achat d’un stock d’huile de première qualité, 220 amphores. Cette firme était réputée depuis toujours et ses membres s’appelaient tous Decimus Caecilius, de père en fils, si bien qu’on n’arrivait pas toujours à les distinguer, mais c’est ça qui faisait la réputation de la maison, car on achetait de confiance. Ils exportaient pour le marché romain, bien sûr, mais aussi en Gaule et on trouvait leurs produits jusque sur les frontières.
Leur esclave, installé en Arles, les représentait sur place (mais il parlait avec un accent terrible !). Il avait reçu pour ça une somme d’argent qui lui permettait de faire leurs affaires et les siennes en même temps, il pouvait emprunter auprès des « argentiers », des intermédiaires qui faisaient office de prêteurs, quand il avait besoin de trésorerie. En l’espèce, l’esclave n’avait évidemment pas avec lui ces 220 amphores, mais un petit pot de céramique décoré de bandes ocres, comme on en produisait là-bas, dans le sud de l’Espagne, et qui contenait un échantillon de l’huile qu’il vendait. On achetait comme ça et cela permettait de contrôler le stock lors de la livraison. C’était vrai aussi pour le vin, et même pour les céréales…. et il sortit du marché pour se rendre aux entrepôts. Pour y arriver, il fallait traverser le Rhône. On aurait pu prendre une barque, en face du cirque, car la zone principale de stockage où s’entassaient les marchandises était située à la sortie sud de la ville, sur la rive droite.
Mais Dionysius préféra passer par le pont sur le fleuve, une vraie merveille, célèbre dans le monde entier, et un système très ingénieux. Comme le fleuve est très large à cet endroit, avec un fort courant, mais qu’il fallait aussi laisser passer les chalands ou les petits navires de mer qui remontaient vers le nord, les architectes avaient imaginé de construire un ouvrage mixte, à la fois en pierre, depuis chaque rive, mais aussi à l’aide de barques ancrées côte à côte qui supportaient un tablier de bois. C’est comme ça que procédaient les soldats quand ils voulaient traverser un fleuve. Les bateaux pouvaient passer entre ce pont de bateaux et les jetées de pierre, grâce à un système de pont-levis installés à l’extrémité de celles-ci. On ouvrait et on fermait à volonté.Astucieux et efficace ! Du côté de la ville, un arc de triomphe donnait accès à cette merveille d’architecture, la huitième du monde, pour les Arlésiens.