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Le mur d’Hadrien
Le paysage, dans ces régions du nord, avait beaucoup changé. On n’était plus dans cette partie sud de l’île, si semblable à la Gaule, où l’on voyait des campagnes riantes, bien cultivées, gérées par de riches propriétaires habitant dans de belles villas. Ici, la culture était pauvre et on ne voyait que de rares fermes traditionnelles, incapables de fournir à l’importante clientèle militaire ce que celle-ci réclamait; il fallait donc faire venir presque tout depuis le sud, notamment les céréales nécessaires à la nourriture des soldats. On voyait en revanche d’importants troupeaux de moutons qui paissaient en liberté au milieu d’immenses prairies, dans un paysage vallonné et très vert. Justement, comme on arrivait à Cataractonium (Catterick), qui était une sorte de dépôt logistique, on rejoignit des charrois lourdement chargés, qui étaient sous la responsabilité d’un certain Octavius. C’était un vivandier local qui achetait pour le compte des garnisons, auprès des gros négociants comme Lunarisou au marché d’Eboracum, ce dont les unités avaient besoin au quotidien :des vivres, mais aussi des cuirs, des tendons de bœuf pour armer les catapultes, des chaussures, des vêtements, bref tout ce qu’il fallait.
Quand on voulait du poisson raisonnablement frais ou des huîtres, c’est aussi à lui qu’on demandait ; mais il fournissait aussi bien des légumes, des condiments, il portait les lettres, réglait les petites dépenses pour le compte des simples soldats, fournissait des filles qui tournaient de poste en poste. Bien sûr, au passage, il prenait son petit bénéfice. Ce n’était pas lui-même un soldat, mais un Breton de la région, très débrouillard, qui faisait le factotum pour tout le monde, y compris quand il fallait se procurer l’essentiel pour la nourriture, c’est à dire les grains. Cette fois, justement, il transportait une grosse quantité de céréales mondées, c’est-à-dire débarrassées de leur balle, destinée à la garnison du fort de Vindolanda ; mais il avait dû attendre qu’on lui envoie l’argent nécessaire à l’achat, gagé après dépôt d’un acompte.